The Innisfree Poetry Journal
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by Nancy Naomi Carlson


Five poems by René Char translated by Nancy Naomi Carlson:


TO ***

My love for so many years,
And still I wait and reel with desire
That nothing can cool or age—
Not even what waits for our death
Nor slowly learned how to fight us;
Not even what cannot be named,
Nor my eclipses and my returns.   

Closed like a boxwood shutter,
Compact and extreme,
Chance is our mountain range,
Our compressing splendor.

I say chance, my finely wrought love;
Without spilling mystery,
Each of us can receive
The other's share,
And sorrow that comes from somewhere else
Dissolves at last
In our union's flesh,
Finds, at last, its solar path
To the core of our darkest cloud
Which it rends and renews.

As I feel it, I say chance.
You have raised
The highest crest my desire must clear
When tomorrow turns to mist.

A ***

Tu es mon amour depuis tant d'années,
Mon vertige devant tant d’attente
Que rien ne peut vieillir, froidir,
Même ce qui attendait notre mort,
Ou lentement sut nous combattre,
Même ce qui nous est étranger,
Et mes éclipses et mes retours.

Fermée comme un volet de buis
Une extrême chance compacte
Est notre chaîne de montagnes,
Notre comprimante splendeur.

Je dis chance, ô ma martelée;
Chacun de nous peut recevoir
La part de mystère de l'autre
Sans en répandre le secret;
Et la douleur qui vient d'ailleurs
Trouve enfin sa séparation
Dans la chair de notre unité,
Trouve enfin sa route solaire
Au centre de notre nuée
Qu'elle déchire et recommence.

Je dis chance comme je le sens.
Tu as élevé le sommet
Que devra franchir mon attente
Quand demain disparaîtra.


ALLEGIANCE

     My love infuses the streets of the town. Small matter where she moves in divided time. No longer my love, and all are free to pursue her perfume. She no longer remembers—who exactly loved her?

     She seeks her match in eyes steeped in desire. She traverses the space of my faithfulness—hope traced, then dismissed. She prevails without taking part.

     I live in her depths—blissful sunken wreck—my aloneness her unknown treasure. My freedom burrows deep in the great meridian joined to her flight.

     My love infuses the streets of the town. Small matter where she moves in divided time. No longer my love, and all are free to pursue her perfume. She no longer remembers—who exactly loved her and lights her way from afar to prevent a fall?

ALLEGEANCE

     Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima?

     Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu’il parcourt est ma fidélité. Il dessine l’espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.

     Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.

     Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe  où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas?


THE SORGUE

          Song for Yvonne

River gone too soon, in a surge, without friend,
Give your passion's face to the youth of my native land.

River where lightning ends and my home begins,
That rolls my reason’s loose stones to oblivion's brink.

River, earth shudders, sun frets in your depths.
Let each poor man in his night make, of your harvest, his bread.

River often chastised, river disowned.

River of rags and suspicion, of hollowed souls,
Of elm trees, compassion, of old despair that unfolds.

River of those apprenticed to calloused states,
No wind stands up to the crests of your wake.
 
River of knackers, the fevered, and fools,
The sun dropping its plow to sink to the level of lies.

River of those who best us, river of fogs newly hatched,
Of the lamp quenching dread around its hat.

River that rusts iron, river revering dreams,
Where stars hold that umber they refuse to the sea.

River of transferred powers, of mouthed watery cries,
Of hurricanes tearing through vineyards, proclaiming new wines.

River with heart never wrecked in these prison-crazed days,
Keep us raging and friends to the stormed horizon's bees.

Translator's note: The Sorgue River springs up in Vaucluse,
France—birthplace of René Char.
  
LA SORGUE

         Chanson pour Yvonne

Rivière trop tôt partie, d'une traite, sans compagnon,
Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion.

Rivière où l'éclair finit et où commence ma maison,
Qui roule aux marches d'oubli la rocaille de ma raison.

Rivière, en toi terre est frisson, soleil anxiété.
Que chaque pauvre dans sa nuit fasse son pain de ta moisson.

Rivière souvent punie, rivière à l'abandon.
Rivière des apprentis à la calleuse condition,

Il n'est vent qui ne fléchisse à la crête de tes sillons.

Rivière de l'âme vide, de la guenille et du soupçon,
Du vieux malheur qui se dévide, de l'ormeau, de la compassion.

Rivière des farfelus, des fiévreux, des équarrisseurs,
Du soleil lâchant sa charrue pour s'acoquiner au menteur.

Rivière des meilleurs que soi, rivière des brouillards éclos,
De la lampe qui désaltère l'angoisse autour de son chapeau.

Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer,
Où les étoiles ont cette ombre qu'elles refusent à la mer.

Rivière des pouvoirs transmis et du cri embouquant les eaux,
De l'ouragan qui mord la vigne et annonce le vin nouveau.

Rivière au coeur jamais détruit dans ce monde fou de prison,
Garde-nous violent et ami des abeilles de l'horizon.


THE SHARK AND THE SEA GULL

     At last I discover the sea in its triple accord: sea whose crescent beheads absurd grief's dynasty; sea as naïve as bindweed; great preserve of birds in the wild.

     When I say: I've revoked the law, overcome morality,  armored my heart, it's not to refute this scale of the void, whose rumbling, beyond my persuasion, extends its palm. But nothing of all that has seen me live and act bears witness now. My youth is free to come running, my shoulder to sleep.  From that alone, effective and instant wealth must be drawn. Thus comes one pure day in the year, a day that mines its arcade of marvels in sea foam, a day that rises in eyes to crown noon. Yesterday, branch and buds stood apart and nobility withered. Shark and sea gull could not communicate.

     O You, rainbow from this polishing shore, bring hope close to the ship. Make every assumed ending a new innocence—feverish push ahead—for those who stumble under morning's weight.

LE REQUIN ET LA MOUETTE

     Je vois enfin la mer dans sa triple harmonie, la mer qui tranche de son croissant la dynastie des douleurs absurdes, la grande volière sauvage, la mer crédule comme un liseron.

     Quand je dis: j'ai levé la loi, j'ai franchi la morale, j'ai maillé le coeur, ce n'est pas pour me donner raison devant ce pèse-néant dont la rumeur étend sa palme au delà de ma persuasion. Mais rien de ce qui m'a vu vivre et agir jusqu'ici n'est témoin alentour. Mon épaule peut bien sommeiller, ma jeunesse accourir. C'est de cela seul qu'il faut tirer richesse immédiate et opérante. Ainsi, il y a un jour de pur dans l'année, un jour qui creuse sa galerie merveilleuse dans l'écume de la mer, un jour qui monte aux yeux pour couronner midi. Hier la noblesse était déserte, le rameau était distant de ses bourgeons. Le requin et la mouette ne communiquaient pas.

     O Vous, arc-en-ciel de ce ravage polisseur, approchez le navire de son espérance. Faites que toute fin supposée soit une neuve innocence, un fiévreux en-avant pour ceux qui trébuchent dans la matinale lourdeur.
 

FONTIS

For native land, grapes can claim
The hands of the girl who culls
What grows, but who is waiting for her
Past the heartless vine's narrow path?

Rosary made by each cluster;
Topmost fruit, setting, bleeds
One final spark at dusk.
 
FONTIS

Le raisin a pour patrie
Les doigts de la vendangeuse.
Mais elle, qui a-t-elle,
Passé l'étroit sentier de la vigne cruelle?

Le rosaire de la grappe;
Au soir le très haut fruit couchant qui saigne
La dernière étincelle. 
 
Translator's note: Wine bearing the Château Fontis label comes from one of the highest points in Médoc, France. 




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